Richard Nixon, un lanceur d’alerte écologiste ?

Chacun.e d'entre nous connait sans doute des personnalités lanceurs d’alertes en matière d’écologie. Parmi eux.elles, on peut citer Edmond Maire, secrétaire général de la CFDT, tenant des propos alors inaudibles (vidéo) sur la croissance en juin 1972, il y a 50 ans. En même temps, sortait le rapport dit Meadows sur « les limites de la croissance » (1), véritable référence encore aujourd’hui. A la présidentielle française de 1974, René Dumont, 1er candidat écologiste (2), s'était fait moqué de lui avec son verre d'eau en guise d'alerte sur cette ressource qui manquerait un jour.
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Au sommet de la terre à Rio en 1992, Severn Suzuki, alors âgée de 12 ans, interpellait les conférenciers en session plénière(vidéo). Elle a été ovationnée. Plus de 25 ans après, en décembre 2018 à la COP 24, Greta Thunberg, âgée de 15 ans, prononçait quasiment les mêmes mots. Mais l’indignation avait visiblement fait place à la colère (vidéo). Et s’il fallait en citer un dernier, évoquons en août 2018 l’annonce pathétique de Nicolas Hulot sur sa démission du gouvernement (vidéo).
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« Oui mais quand même » diront certain.es, ces personnalités sont toutes militantes : syndicaliste, universitaire, écologistes, adolescentes. « Ce n’est pas très crédible ! »
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Allons alors chercher quelqu’un de « sérieux » qui, à première vue, n’a rien d’un écologiste. Président des Etats-Unis de 1969 à 1974, républicain, connu notamment pour sa décision en début de mandat de renforcer l’implication des Etats-Unis dans la guerre au Vietnam, pour son aide au coup d’Etat au Chili en 1973 et pour l’affaire du Watergate qui conduira à sa démission en 1974, écoutons (vidéo ci-contre) ce qu’a dit Richard Nixon lors de sa déclaration de l’Etat de l’Union, en janvier 1970 devant les membres de la chambre des représentants et du sénat.


Cette déclaration (vidéo) en étonnera sans doute plus d’un.e, mais elle ne fait que traduire une situation aux Etats-Unis, à la fin des années 60, où les préoccupations environnementales ont trouvé des débouchés politiques : « Clean Air Act » en 1963, « Water Quality Act » en 1965, « Solid Waste Disposal Act » en 1965, « Endangered Species Preservation Act » en 1966, « Air Quality Act » en 1967, « National Environmental Policy Act » en 1969, « Federal Environmental Pesticide Control Act » en 1972…
Le premier choc pétrolier qui débute en 1973 à la suite du pic de

production de pétrole des États-Unis et de l'abandon des accords de Bretton-Woods, a eu pour effet une forte dévalorisation du dollar et donc des cours du pétrole. La crise économique induite est souvent associée à ce choc, avec la déclaration d'embargo de l'OPEP qui a accéléré la hausse de prix du baril dans le contexte de la guerre du Kippour. D'octobre 1973 (date traditionnelle associée au début de la crise) à mars 1974, le prix du baril passe ainsi de 2,6 à 11,7 $ (+ 350 %).
Depuis, la préoccupation de l’accès aux énergies fossiles est au cœur de la géopolitique américaine et le « grand virage » proposé par Richard Nixon n’a pas eu lieu. Plus de cinquante ans après, ce discours n'a jamais été autant d'actualité. Mais le temps a passé, et nous sommes désormais au pied du mur, désormais dans une phase d’irréversibilité en matière de climat (3) et de biodiversité (4).
Faut-il un nouveau.elle lanceur.euse, non pas d’alerte puisque l’alarme est déclenchée par le GIEC depuis plusieurs années, mais de projet politique à la hauteur des enjeux ?
Richard Nixon cochait pourtant toutes les cases de la « normalité sociale » pour être entendu ...

On en reparle ?


Notes
(1) Les limites de la croissance, Donella H. Meadows, Dennis L. Meadows, Jorgen Randers, Rue de l'échiquier, 2012

(2) René Dumont a obtenu 1,1 % des inscrits (près de 16 % d’abstention à l’époque)

(3) Pour la communauté scientifique internationale (GIEC, Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), une augmentation de 3°C d'ici la fin du siècle est quasi-actée compte tenu du niveau d’engagement des Etats. Les actions à mener sont pour éviter les degrés supplémentaires

(4) L'IPBES (l'équivalent du GIEC pour la biodiversité) considère que nous sommes au début d'une sixième extinction, mais que nous pouvons encore réagir