Climat, avons-nous le choix du nombre de degrés en plus ?

Parmi les raisons de l’inaction face à l’ampleur des changements climatiques en cours, il y a le déficit de compréhension de la situation actuelle, et donc la question de la connaissance. C’est vrai pour nombre de nos responsables politiques en charge de préparer l’avenir de la société, mais c’est vrai également pour beaucoup d’entre nous. Alors essayons, en quelques lignes, d’en partager quelques points clés.
RÉJOUISSONS-NOUS !
Commençons d’abord par souligner la place de l’énergie dans nos sociétés, dans nos modes de vie. L’invention de la machine à vapeur, au début du XVIIIème siècle, a été le starter d’une période incroyable d’inventions et d’innovations, scientifiques et techniques, basées sur différentes énergies : charbon au XIXème siècle, pétrole, gaz naturel et uranium au XXème siècle, énergies renouvelables au XXIème siècle (c’est du moins ce qui se dessine).
Cette maîtrise et démultiplication de l’énergie au cours de ces 200 dernières années ont conduit à des avancées considérables dans différents domaines : optique, médecine, biologie, chimie, matériaux, numérique, électronique, espace …
Ces progrès technologiques ont ainsi permis, par exemple, de réduire la mortalité infantile et d’augmenter l’espérance de vie, conduisant la population mondiale à passer d’environ 1 milliard en 1800 à 1,7 en 1900, 6 en 2000 et 8 milliards fin 2022.

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La très forte augmentation mondiale de consommation d’énergie (voir ci-contre), en particulier après la seconde guerre mondiale, s’explique bien sûr par cette augmentation de population ...


... mais aussi et surtout par la multiplication des biens de consommation (nécessitant de l’énergie à la production et à l’usage) : voiture, avion, chauffage, ciment, smartphone, informatique ...
Au fil des années, nos modes de vie s’en sont trouvés facilités, plus agréables, sur le plan professionnel comme sur celui du personnel/familial. Vous en doutez ? Alors comparez notre situation avec celle de nos anciens. Et n’oublions pas également les mouvements sociaux qui ont permis de bâtir le système de protection sociale dont nous bénéficions aujourd’hui.
Bref, au regard du passé, osons dire qu’il fait bon vivre dans nos sociétés dites modernes, réjouissons-nous ! Du moins pour celles et ceux qui font partie des 20 % de la population mondiale qui vivent dans ces pays, les 80 % restants souhaitant également accéder à ce « bien vivre ».
C’est tout à fait légitime, mais …
... MAIS D’ABORD QU’EST-CE QUE L’ÉNERGIE ?
L’énergie est une affaire à la fois très concrète par ses effets (éclairage, chaleur, électricité …) et à la fois très abstraite si nous avions à l’expliquer simplement. Le mieux est encore de passer par une analogie pour mesurer ce qu’elle représente. Robert Forstman, champion du monde de vitesse sur piste en 2010, s’est prêté à l’exercice de produire sa propre électricité, avec une dynamo installée sur son vélo, pour griller une tranche de pain de mie placée dans un grille-pain.
Le mieux est de regarder la vidéo et d’imaginer l’effort que vous auriez à faire tous les matins si vous ne disposiez pas d’une prise de courant ou du gaz naturel.
Autre exemple, vous souhaitez faire cuire un poulet avec un four électrique de 1 000 W alimenté par des dynamos installées sur des vélos. Il vous faudra alors environ 15 personnes qui pédaleront (ou se relaieront) pendant une heure. Avec la récurrence de vos besoins, vous allez devoir embaucher ces 15 personnes à environ 12 €/h (charges sociales inclues). La cuisson du poulet vous coûtera donc 180 €, sans compter son achat. Avec une prise de courant ou du gaz naturel, la cuisson ne coûte qu’environ 15 c€ (avant les évolutions tarifaires de 2022). Et ce qui est vrai pour le poulet l’est pour tous nos modes de vie.
Et si nous devions faire le compte de toutes les personnes nécessaires pour assurer nos besoins énergétiques, et donc nos modes de vie, avec uniquement de l’énergie humaine, il faudrait environ 400 à 500 « équivalent-esclaves » (1), toute l’année, 24h/24h. Même les romains n’en disposaient pas autant.
Ces exemples nous aident à mesurer l’importance de l’énergie dans notre vie de tous les jours.
ALORS OU EST LE PROBLÈME ?
Chaque année, 80% de l’énergie mondiale consommée provient de ressources fossiles -charbon, pétrole, gaz naturel- qui ont mis environ 100 millions d’années à se former, principalement par dégradation de la biomasse. Avec la combustion de ces ressources, nous libérons instantanément le carbone qu’ils contiennent, sous forme de gaz carbonique (CO2). Libéré en quantité croissante depuis près de 200 ans, il renforce l’effet de serre (2) et provoque une augmentation de la température sur l’ensemble de la planète (les gaz ne connaissent pas les frontières).
Depuis une trentaine d’années, la communauté scientifique internationale, à travers le GIEC (3), « fournit des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade. ».
Pour celles et ceux qui croient encore à la science, les conclusions du GIEC (4) sont sans appel :

NOUS SAVONS, ALORS POURQUOI ... ?
Après avoir été mises à l’agenda il y a plus de 50 ans (5), les questions écologiques sont désormais posées de manière prégnante. Pourtant, les responsables politiques savent lire, ils.elles ont reçu une éducation, ne sont pas démuni.es de bon sens, ont le souci de l’intérêt général, sont des citoyens, des parents … La plupart d’entre nous également. Alors comment se fait-il que nous « assistions, globalement les uns et les autres, à la gestation d’une tragédie bien annoncée, dans une forme d’indifférence » (6) ?
La raison ne suffirait-elle pas pour agir ?
On en reparle ?

Notes
(1) Combien suis-je esclavagiste ? Jean-Marc Jancovici, août 2013
(2) En plus du CO2 émis par la combustion des ressources fossiles pour produire de l’énergie, s’ajoute également le méthane (CH4) dû principalement à la fermentation entérique des animaux, aux déjections animales, aux décharges, aux changements d’usages des terres …
(3) Le Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC ou IPCC en anglais) a été créé en 1988,
(4) Le lecteur pourra se rapporter aux documents originaux (ou leur traduction en français), mais peu accessibles à tous en terme de compréhension. Ex : documents traduits et résumés par le CITEPA
(5) Richard Nixon, un lanceur d’alerte écologiste ? Bernard Lemoult, article 1/5, août 2022
(6) Annonce de Nicolas Hulot sur sa démission du gouvernement, France Inter, août 2018